L’auteur propose un roman intitulé « Le béret du maître », un titre pertinent dans lequel réside le mot-clé de l’histoire.
Malgré son aspect atypique, par la grâce du tracé, la couverture interpelle. Publié en 2023, aux Editions Passiflore, ce premier roman vient souligner le parcours exemplaire de l’auteur. Le rôle subtil de l’anaphore dans l’introduction oriente la compréhension du lecteur, créant une dynamique tangible. Ce roman relate les souvenirs du jeune narrateur dans sa classe de CM1. Qui est Monsieur C? Quelle personnalité laisse-t-il entrevoir au fil des jours? Son état d’esprit l’incite-t-il à favoriser la pratique sportive chez les jeunes? Au travers des scènes évoquées, on apprend à visualiser Monsieur C, à l’écouter, à le ressentir. Le jeune narrateur de St Vincent de Tyrosse, pays du rugby, incarne l’émotion, nous accaparant sans relâche.
Ce livre rend parfaitement compte de la relation maître-élève et du système de valeurs dans les années 1980. Par la force de sa plume, Antony Soron évoque une notion d’urgence à enfin poser des mots sur son histoire : » Longtemps j’ai esquivé, mais aujourd’hui je n’ai plus de temps à perdre. » Au travers d’une sublime comparaison, le narrateur semble peindre son personnage : « Le béret apparaissait d’évidence comme un prolongement du corps du maître. »
De la rudesse du maître, naît une volonté de l’auteur, consistant à poétiser son propre texte : « Les feuilles sèches qui jonchaient le préau de la cour n’avaient-elles pas subitement cessé de tourbillonner au vent? » Brusquement, Antony Soron révèle son lien avec l’UFOLEP en tant que rugbyman, fédération sportive solidaire et citoyenne créée en 1928 qui propose une double ambition, celle du sport citoyen et humaniste et celle de l’éducation par le sport.
On découvre un maître, éducateur sportif, soucieux d’enseigner les bases d’une bonne respiration en course à pied : « Mon maître nous ayant appris, dans le cadre du cycle »endurance », l’importance de l’expiration par la bouche… » Dans la phrase suivante, on prend conscience des vertus de la transmission : « Et j’ai couru, couru, en me rappelant les consignes de mon maître… Tout est question de rythme, deux fois avec le nez, tu inspires; deux fois avec la bouche, tu expires et ainsi de suite… » S’ensuit une jolie phrase illustrant les bienfaits de la course à pied : « J’étais tellement bien sur cette piste bondissante. »
Lorsqu’on apprend que le grand-père du narrateur a été présélectionné pour les Jeux Olympiques de Berlin en 1936, mais qu’il n’a pu y participer étant donné la situation politique. Ce faisant, comment ne pas penser au destin d’Alfred Nakache si bien décrit dans la biographie de Pierre Assouline… Antony Soron s’écrit avec authenticité, interrogeant son ressenti sur le football et le rugby : « La concurrence entre le football et le rugby était âpre à l’intérieur de moi. » Les chapitres concis rythment agréablement ce livre. La plume de l’auteur est limpide, perlée, habitée. Son lexique approprié au contexte. Antony Soron maîtrise parfaitement la phrase dans tous ses états. Un romancier à découvrir comme on découvre une belle œuvre d’art. Un pur moment de grâce.
Par Véronique Villard